Bachelier en Médecine, est-ce que ça valait le coup ?

De la première à la troisième année de médecine

Cinq longues années de doutes et de remises en question.

Une absence totale de bagage scientifique; suite à un diplôme de technicien-ne en infographie et à mon activité bénévole et professionnelle dans le milieu du cinéma durant plusieurs années. Autant vous dire que j’ai bégayé quand j’ai vu des orbitales et des matrices pour la première fois de ma vie sur les bancs de la fac.

Reprendre des études sur le tard; non seulement je comprenais moins de choses que les autres mais en plus iels avaient 5 ans de moins que moi. Et puisque je vais doubler ma première année et faire les 2 années suivantes en 3 ans, il y a maintenant 7 ans d’écart avec la majorité de mes futur-e-s collègues.

Le concours; quand je suis entré en médecine, j’ai passé un test non contraignant (c’était juste une indication de notre niveau, histoire de se faire une idée). Sauf que j’ai pas validé mon année, et entre temps on a eu droit à des réformes, l’année suivante, pour valider ma première, j’avais un concours en juin avec un numérus défini. L’angoisse.

Les notes; elles n’ont jamais été fameuses, j’avais des difficultés à peu près partout. Toutes les personnes ayant une moyenne inférieure à 8/20 en janvier allaient être réorientées. Et il y en a eu des tas. Lors de ma première année en tant que doublant, les quatre cinquièmes de la promo ont été renvoyés comme des malpropres au milieu de l’année. Je vous raconte pas le bordel. Par chance, j’y ai échappé de peu.

Les rattrapages; omniprésent dans ma vie, j’ai passé tous mes étés en faculté de médecine à étudier, enfermé jusqu’à début septembre.

Changer de fac en milieu de cycle; après ma première année, j’en pouvais tellement plus d’avoir été malmené durant ces 2 ans pour la valider que j’ai décidé de changer de ville et de fac. Cette expérience a aussi été extrêmement houleuse et compliquée. J’en retiens très peu de positif même si je ne regrette pas ce choix.

Les potes; tisser des liens c’est jamais évident, dans ma première fac je vais rapidement trouver les autres personnes qui comme moi sont plus âgées mais contrairement à moi elles vont réussir et on ne sera plus ensemble. D’autres ne seront plus autorisé-e-s à continuer leur cursus et devront changer de pays. Moi-même en changeant de fac et en arrêtant d’aller en cours, je cesse de tisser des liens.

Les projets avortés; j’aurais beau souhaiter faire des activités extra-universitaires, je ne parviendrais jamais à suivre de cours de langue durant ces cinq longues années. Je parviendrais cependant à me mettre au sport durant quelques temps, jusqu’à ce que ma santé me rattrape. Mon activité principale et ma seule activité est l’étude. Je ne suis qu’oreille pour enregistrer, qu’oeil pour capturer et neurone pour mémoriser.

La santé; encore des doutes et beaucoup de douleurs psychiques, je présente tous les symptômes du burnout, les maladies chroniques s’accumulent comme pour me lancer de nouveaux défis.
Sclérose en plaques, dépression, dysautonomie.

La fin du supplice: le master

Tous ces événements n’ont pas eu lieu au début de ma quatrième année mais presque.

La persévérance; même si c’est ma sixième année en faculté de médecine alors que je ne suis qu’en quatrième et que certain-e-s de mes ami-e-s seront diplômé-e-s cette année, je ne le vis pas comme un échec. Je me suis accroché sans relâche pour en arriver là où j’en suis et même si c’était parfois insoutenable, j’ai tenu. Je connais ma force et mes doutes se sont dissipés.

La résilience; j’ai arrêté de me comparer aux autres, je sais que ma situation m’est propre, je ne suis pas dans la compétition. Je n’ai pas un parcours parfait, je ne serai jamais major de promo mais j’aurai ce que je suis venu chercher. J’aurai la spécialité que je vise, pas parce que je suis meilleur qu’un autre mais parce que je sais quels sont mes atouts.

Le master; pour la première fois dans ce cursus, je n’ai plus le sentiment d’être là pour être éliminé par des épreuves rocambolesques. Je me sens enfin réellement « étudiant en médecine » et pris au sérieux. C’est tellement apaisant, je peux enfin relâcher la pression.

Les notes; durant 3 ans nos notes sont comptabilisées et il est important d’avoir la meilleure moyenne possible pour obtenir notre spécialité de choix. Même si j’en suis conscient et que ça pourrait être un poids supplémentaire, je n’ai jamais aussi bien vécu une session d’examens que celle de janvier 2020. Car maintenant, je sais que je vais y arriver. Ma moyenne est bien plus haute qu’auparavant pour un moindre effort.

Les stages; au premier semestre, j’en ai effectué deux, un en médecine générale et un en soins intensifs. Ils se sont super bien passés et surtout, je me suis éclaté (surtout à l’USI). On m’y a bombardé de compliments et j’ai appris tellement de choses que je ne peux les résumer ici. Puis quel plaisir d’avoir à nouveau des patients, j’ai pas les mots.

Les potes; pour mon master, je suis retourné dans ma première fac (la seconde ne donne pas la suite du cursus). J’ai retrouvé mes ami-e-s et je m’en suis fait de nouveaux. Certain-e-s m’y rejoindront l’an prochain. J’ai eu du mal à croire qu’iels attendaient autant mon retour que moi mais c’est un fait, on est réciproquement enchanté-e de se retrouver. C’est beau.

D’amour & d’amitié; ceci est une petit parenthèse mais j’ai également la chance de vivre ma plus belle histoire de couple depuis 3 ans et une de mes plus belles amitiés depuis 2 ans.

Les projets; contrairement à avant, je m’autorise enfin de vivre. Ainsi, j’ai suivi des cours de langues étrangères orientés sur le médical. J’ai suivi une formation sur la gestion des voies aériennes, je suis retourné au bloc opératoire, j’ai fait mes premières échographies et sutures. J’ai entamé des démarches pour partir faire un stage à l’étranger cet été. J’ai commencé le suivi d’un patient chronique sur 3 ans.
Et surtout, j’ai dispensé des séminaires à des étudiants en santé en tant que patient expert.

La santé; au niveau psy, je suis sous anti-dépresseur depuis un an et demi et cela m’a énormément aidé. Je revis. Pour le reste, je fais avec, il y a des jours avec et des jours sans mais je serai inarrêtable. Sur ce qui concerne ma santé, je ne tolérerai aucun obstacle ou dénigrement validiste.


Alors, est-ce que ça valait le coup ?

Totalement.

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